Illustration for the post Quel avenir pour les développeurs web à l'ère de l'IA ?

L’avenir du métier de développeur web à l’ère de l’IA : crise passagère ou mutation profonde ?

Par Anne-Cécile Lebrun - Co-fondatrice de LBKE

Publié le

Le développement web est-il toujours un métier d’avenir ? C’est une question que se posent de plus en plus de professionnels en reconversion, de jeunes diplômés et de personnes fraîchement formées.

L’accès aux formations au développement web s’est démocratisé ces dernières années, mais l’employabilité, elle, semble aujourd’hui se contracter.

Entre saturation du marché et percée de l’IA générative, les signaux sont multiples, parfois contradictoires. Tentons d’y voir plus clair.

Un métier sous tension : chute des recrutements et saturation des profils juniors

Les dernières données de l’APEC sont sans appel : le secteur des activités informatiques a enregistré une baisse de 18 % des recrutements de cadres en 2024, et les perspectives pour 2025 annoncent une poursuite du recul, même si celui-ci tend à être plus limité que dans d’autres secteurs.

Les profils juniors, tout particulièrement, subissent cette contraction : les recrutements de cadres ayant moins d’un an d’expérience ont chuté de 19 % (1).

Cette situation est corroborée par les chiffres publiés par Numeum, syndicat français des entreprises du numérique, en juin 2025.

L’organisation professionnelle du secteur numérique souligne une rupture inédite : après plus d’une décennie de croissance continue, le secteur a enregistré en 2024 une baisse nette de l’emploi, avec la perte de 7 000 postes sur l’année. Le niveau d’emploi dans le numérique revient ainsi à celui de 2022. Par ailleurs, le taux d’occupation des équipes est en baisse selon 32 % des entreprises interrogées, et 36 % des entreprises anticipent une réduction des recrutements de jeunes diplômés ou alternants en 2025 (2).

Numeum, Le marché du numérique en France ralenti par une conjoncture défavorable aux investissements, juin 2025
Source : Numeum, Le marché du numérique en France ralenti par une conjoncture défavorable aux investissements, juin 2025

Une menace systémique : l’IA générative bouleverse la structure du marché de l’emploi

Au-delà des fluctuations de l’offre d’emploi, c’est la nature même du métier de développeur web qui est questionnée.

L’étude publiée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en 2024 est formelle : les professions de “concepteurs de sites Internet et de multimédia” ainsi que de “concepteurs de logiciels” font partie des catégories à exposition très élevée à l’IA générative, combinée à une faible variabilité des tâches (3).

Autrement dit, ce sont des métiers dont les activités standardisées (comme l’écriture de code, la résolution de bugs simples ou la création de composants visuels) peuvent être facilement prises en charge par des modèles d’IA comme ChatGPT ou Copilot.

Cette automatisation massive constitue une menace directe pour les profils dont la valeur ajoutée repose exclusivement sur la production technique.

Un paradoxe : les développeurs toujours recherchés, mais différemment

Pourtant, les plateformes d’emploi et les enquêtes sectorielles continuent de classer les développeurs web parmi les profils les plus recherchés (4) (5). Comment expliquer cette apparente contradiction ?

Cette situation peut en partie s’expliquer par la multiplication des formations courtes et intensives (bootcamps, autoformation, vidéos YouTube).

Si ces parcours ont permis à de nombreuses personnes d’entrer dans le métier, le marché de l’emploi se retrouve saturé de profils de développeurs web peu expérimentés, peinant à se positionner face à une concurrence forte et à des exigences techniques croissantes.

Les entreprises ne cherchent plus des exécutants, mais des profils autonomes, capables de concevoir, d’intégrer, de documenter, de collaborer.

Selon France Travail, près de 85 % des recrutements dans le numérique sont jugés « difficiles » par les recruteurs (4). La pénurie de compétences adaptées serait une des causes de cette situation (6), ce qui est symptomatique d’une mauvaise adéquation entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi dans le domaine informatique.

Les économistes connaissent très bien ce problème, l’inadéquation de qualifications étant l’une des causes du chômage structurel, qui se distingue du chômage conjoncturel par sa persistance dans le temps et sa résistance aux seules politiques de relance.

Par ailleurs, dans le domaine de l’IA, Numeum souligne que l’adoption de l’IA générative progresse (48 % des entreprises disent travailler sur ce sujet, contre 29 % fin 2023), mais les freins sont importants : 47 % citent le manque de compétences internes comme obstacle principal, au même niveau que la difficulté à identifier des cas d’usage pertinents pour l’intelligence artificielle (2).

Cette réalité renforce le besoin en profils hybrides, plus stratégiques que purement techniques.

Le métier de développeur web n’est donc pas condamné, mais il se redéfinit. Il ne suffit plus de savoir coder : il faut comprendre les usages, les outils, les architectures, savoir coopérer avec des systèmes d’IA, concevoir des produits intelligents et adaptatifs.

Une mutation inévitable : vers le profil de développeur augmenté ou développeur IA

Dans ce contexte, une nouvelle figure professionnelle émerge : celle du développeur “augmenté”, à l’aise avec les outils d’IA générative, capable d’en tirer parti pour rester productif et compétitif sur le marché de l’emploi.

Mais il existe aussi un autre métier en cours d’émergence, plus discret et avec un potentiel disruptif fort, celui de développeur LLM ou développeur IA. Cette discipline va plus loin que le développement augmenté, car elle vise à créer de nouveaux systèmes logiciels fondés sur l’IA.

Les développeurs et développeuses LLM ne viennent pas pour autant forcément du monde de la donnée, il peut aussi s’agir de professionnels du web qui se forment à l’intelligence artificielle, via des technologies comme LangChain ou Mastra.

Ces profils s’illustrent notamment dans le développement d’applications reposant sur des LLM (Large Language Models), dans la création d’agents intelligents, ou dans l’orchestration de chaînes de traitements dopées par l’IA.

Ces compétences hybrides, entre développement traditionnel et science des données, représentent une voie d’avenir pour les professionnels du secteur.

Ce n’est donc pas la fin du développement web, mais l’ouverture d’un nouveau cycle, où la maîtrise de l’IA devient un levier d’employabilité et d’innovation.

Conclusion : les développeurs web doivent anticiper, se transformer, rebondir

Le développement web traverse une période de mutation rapide. Entre saturation du marché, exigence accrue des employeurs et déstabilisation induite par l’IA, les professionnels doivent repenser leur positionnement.

Mais cette crise apparente peut aussi être une opportunité : celle de prendre une longueur d’avance, en s’appropriant les outils et les logiques de l’intelligence artificielle.

Le développeur de demain ne sera pas remplacé par une machine. Il sera celui qui saura la comprendre, l’utiliser, l’intégrer, à condition de construire son parcours de formation de manière adaptée.

Le métier de développeur web change, mais il ne disparaît pas : il se redéfinit.

Références

(1) Apec, Prévisions Apec 2025 : Retournement de tendance pour les recrutements de cadres, Avril 2025
(2) Numeum, Le marché du numérique en France ralenti par une conjoncture défavorable aux investissements, juin 2025
(3) Organisation Internationale du Travail, Quel pourrait être l’impact de l’intelligence artificielle générative sur les différentes professions ?, 29 mai 2025
(4) France Travail, Décryptage : Le marché de l’emploi dans le secteur du numérique, janvier 2025
(5) Blog Du Modérateur, Métiers du web : état des lieux du marché de l’emploi, perspectives et salaires en 2025, mai 2025
(6) Le Monde Informatique, La pénurie en profils qualifiés s’accentue dans l’IT en 2025, juin 2025

Vous avez apprécié cette ressource ? Découvrez toutes nos formations présentiel ou en distanciel

Formation recommandée :

À propos de l'auteur

Photo d'Anne-Cécile Lebrun

Anne-Cécile Lebrun est co-fondatrice de LBKE. Elle est ingénieur diplômée de Grenoble INP Génie Industriel, docteur en sciences de gestion de l'Université de Montpellier et agrégée de Sciences Économiques et Sociales.

Retrouvez-la sur LinkedIn

Flux RSS

Voir toutes les ressources