Le 16 septembre 2025 marque le premier anniversaire du rapport Draghi sur l’avenir de la compétitivité de l’Union européenne. Un moment opportun pour regarder ce qui a été entrepris… et ce qui reste à faire.
Rappel : ce que disait le rapport Draghi publié en septembre 2024
Selon Mario Draghi, plusieurs faiblesses structurelles compromettaient la compétitivité européenne :
- un déficit d’innovation, en particulier dans les technologies de rupture ; l’UE investit souvent dans des technologies déjà matures, tandis que les États-Unis et la Chine avancent sur l’IA notamment.
- une pénurie de compétences, aggravée par le vieillissement démographique et la perte de talents vers l’étranger.
- des coûts de l’énergie très élevés et volatils, nuisant à l’industrie européenne.
- des dépendances importantes en matériaux critiques ou infrastructures technologiques (semi conducteurs, terres rares, etc.).
- des obstacles institutionnels : règles de concurrence, fragmentation des politiques nationales, lourdeur réglementaire, complexité administrative…
Draghi identifiait un besoin estimé à 750 à 800 milliards d’euros d’investissement annuels pour combler les écarts, ainsi qu’une coordination accrue entre États membres, des stratégies partagées dans secteurs clés, une simplification réglementaire, etc.
Premier bilan en septembre 2025 : ce qui a été fait
Selon la Représentation de la Commission européenne en France, un an après, la Commission européenne dresse un bilan mitigé : certains progrès notables, mais aussi des lacunes persistantes. Parmi les avancées concrètes :
- lancement de la Boussole pour la compétitivité, traduction du rapport Draghi en politiques concrètes.
- présentation du Pacte pour une industrie propre.
- lancement des giga fabriques d’IA.
- nouvel encadrement des aides d’État.
- plan d’action pour une énergie abordable.
- plans sectoriels : automobile, chimie, acier.
- réduction de la charge administrative via six paquets de simplification pour les entreprises.
- préparation de nouvelles initiatives majeures : un fonds pour la compétitivité de 400 milliards d’euros, feuille de route pour lever les obstacles au marché unique d’ici 2028, un paquet « Battery Booster », ainsi que des paquets de simplification pour le numérique et la mobilité militaire.
Cependant, comme le rapport initial le prévoyait, beaucoup reste à faire — certaines recommandations ne sont encore qu’au stade de proposition, d’autres tardent à prendre corps.
Pendant ce temps au Royaume-Uni : montée en puissance des investissements US
Au Royaume-Uni, plusieurs groupes américains annoncent en septembre 2025 des engagements massifs : Microsoft prévoit plus de 30 milliards de dollars sur quatre ans, tandis que l’accord technologique UK-US totalise environ 42 milliards de dollars avec des contributions de Nvidia (jusqu’à 120 000 GPU), Google (5 Mds de livres dont un datacenter), et d’autres acteurs (CoreWeave, Salesforce).
Ces annonces envoient un signal clair : le cadre britannique attire des investissements d’infrastructure IA à grande échelle, avec un alignement politique et réglementaire perçu comme favorable.
Analyse & conclusion : décalage de stratégie et enjeux pour l’UE
- Il y a clairement un risque de retard pour l’Europe si elle ne parvient pas à accélérer la mise en œuvre des recommandations du rapport Draghi. Les efforts de la Commission sont encourageants, mais ils ne compensent pas encore l’avance prise par les États Unis, avec des investissements massifs privés et publics, une plus grande agilité souvent dans les régulations et incitations.
- La stratégie américaine (et anglo saxonne plus largement) semble plus agressive, avec un financement plus important dans l’IA, les infrastructures numériques, la R&D, et une régulation parfois plus souple voire incitative.
- Pour l’Europe, les défis sont multiples : coordonner les États membres, mobiliser de très gros financements, simplifier les cadres réglementaires, attirer et retenir les talents, sécuriser les chaînes d’approvisionnement (semi conducteurs, matériaux rares…).
- Mais l’Europe a aussi des atouts : un marché unique, un savoir faire industriel, des compétences de recherche solides. Ce sont ces leviers qu’il faut activer pleinement pour ne pas se laisser marginaliser dans la compétition mondiale.
En conclusion : Le rapport Draghi a posé une feuille de route ambitieuse. Le bilan d’un an montre que l’UE a démarré plusieurs chantiers importants — mais le temps presse. Si l’Europe ne parvient pas à intensifier ses efforts — en matière d’investissement, de simplification, et de stratégie structurée — les écarts avec les États Unis continueront de se creuser. L’avenir de la compétitivité européenne dépend aujourd’hui moins des intentions que de la vitesse et de la cohérence de l’action.
Références
Reuters, UK and US agree $42 billion tech pact to mark Trump’s visit, 17 septembre 2025